jeudi 15 mars 2012

8. « Qui a donc écrit les évangiles ? »



Avant propos.

Ma plume présentait de la résistance à rédiger ce chapitre. J’y ai longuement réfléchi. Je ne souhaite pas étaler les raisons de mes hésitations. Il serait cependant infidèle de ne pas dire le motif de ma décision. J’ai entrepris la rédaction de ce livre en tant que bibliste et talmudiste. Certains éléments des textes des évangiles sont perçus sous un angle différent, à la lumière d’une étude prolongé de l’ancien testament. Je souhaite présenter à mes lecteurs une « possibilité » de lecture, qui permet de comprendre le motif de la rédaction des évangiles et des nombreux concepts qui y sont contenus.

Ce n’est pas dans le but de blesser mais de soigner que j’entreprends ce travail. Ce n’est pas dans le but de convaincre mais d’offrir matière à réfléchir. Je prie chacun des lecteurs de m’excuser s’ils trouvent la lecture de ces passages douloureuse.

introduction

Nombreux écrits exégétiques ont vu le jour depuis la rédaction du « nouveau testament ». Certains de nature philosophique, d’autres, de nature pédagogiques. Tous ces écrits, mettent en valeur les évangiles en tant que textes littéraires. A ce titre, tout autant de livres ont été publiés pour commenter et interpréter la mythologie grec ou le coran, qui a titre littéraire méritent le respect. Ces écrits ne sont donc en rien un témoignage d’authenticité du contenu des évangiles.

Je voudrais proposer aux lecteurs, une probabilité quant à la rédaction des évangiles à la lumière de l’étude de la bible et du talmud. J’introduirai mes propos en mettant en relief deux grandes idées : « la place magistrale des pharisiens » et « prophétie ‘résolu’ par Jésus »

Rédaction différée.

Les évangiles ont été rédigés par différentes communautés qui se sont transmis oralement le message des apôtres ainsi que des paroles et  parabole attribué à Jésus. L’évangile de Matthieu n’est pas l’œuvre d’une personne mais d’une communauté. D’ailleurs nous n’avons pas d’information particulière sur la personne de Matthieu, sur sa famille, ou même juste sur sa communauté. Le texte n’est pas signé, et Matthieu n’est en fait, qu’une forme de pseudonyme représentant une communauté.

Même si la date de la rédaction des évangiles est sujette à débat, tout le monde s’accorde qu’elle n’a pas eu lieu immédiatement. Les quelques années suivantes aux événements donnaient le temps à ses communautés de faire évoluer le texte en quantité et en qualité. D’y rajouter des notions qui seront plus tard les piliers centraux de la nouvelle religion. Le texte qui finalement se figea est un montage de plusieurs rédaction à différentes époques.
  
Au départ, la tradition orale du christianisme n’avait pour but que de se démarquer du courant traditionnel du judaïsme, pour se distinguer en tant que judaïsme messianique. Ce procédé n’ayant pas suffit pour attirer assez d’adepte, il devenait donc indispensable d’y adjoindre des notions qui seraient profitables au recrutement. Dans la première partie, nous allons nous concentrer sur la façon avec laquelle ces communautés, à travers les textes de l’évangile, va juste ce démarquer du reste du peuple juif.

La place magistrale des pharisiens 

Tout au long des évangiles, on trouve un dédain particulier pour les pharisiens. Ils sont insultés au moins dix fois de n’être que des hypocrites (considérant que l’évangile de Luc et celui de Matthieu soit la reprise de celui de Marc).  L’évangile de Jean (12 ; 43) rapporte à leurs propos « car ils ont aimé la gloire des hommes plutôt que la gloire de Dieu. ». Matthieu chapitre 23 n’y va pas de mains mortes, en voici quelques bribes : « mais ne faites pas selon leurs oeuvres, car ils disent et ne font pas … mais eux, ils ne veulent pas remuer de leur doigt… ils font toutes leurs oeuvres pour être vus des hommes… ils aiment la première place dans les repas et les premiers sièges dans les synagogues… les salutations dans les places publiques. » « Mais malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites ! Car vous fermez le royaume des cieux devant les hommes. Car vous n’entrez pas vous-mêmes, ni ne permettez à ceux qui entrent, d’entrer. » pour finir en beauté : «  Serpents, race de vipères ! »

Pourtant d’un autre coté, les auteurs des évangiles sont catégoriques :  Matthieu chapitre 23 nous dit au nom de Jésus lui-même : « Les scribes et les pharisiens se sont assis dans la chaire de Moïse. Toutes les choses qu’ils vous diront, faites-les et observez-les… »

Comment comprendre cette double identité ? D’un coté, ils ne sont qu’une race de serpent, hypocrites et aveugles et d’un autre coté, ils sont assis dans la chaire de Moise et en sont la seule référence authentique en matière de loi[1]?

Proposition.

Les auteurs des évangiles s’adressent, pour l’instant,  exclusivement à des juifs. Ils tentent de « convertir » un peuple à une nouvelle religion, le « judaïsme messianique » une forme primitive de Juifs pour Jésus (sans l’aspect trinitaire). Seulement, le peuple, aussi éloigné soit-il de l’étude de la loi et de sa pratique, sait, qu’une élite spirituelle existe et qu’elle gère la transmission orale des lois, de génération en génération. Remettre en cause la suprématie intellectuelle de cette communauté n’est donc pas envisageable. Hors cette communauté, qui  en l’occurrence est celle les pharisiens, rejette totalement l’idée que Jésus soit le messie (pour des raisons qui dépassent nos propos dans ce chapitre) les auteurs des évangiles vont devoir d’un coté accepter la supériorité intellectuelle des pharisiens pour rester crédibles, ils vont donc faire dire à Jésus (peut-importe s’il l’a dit ou pas) que « Les scribes et les pharisiens se sont assis dans la chaire de Moïse. » Mais d’un autre coté les auteurs veulent bien-entendu déshériter les pharisiens de cette chaire, pour cela un tissu d’insulte fera l’affaire. La communauté pharisienne avait certainement certaines polémiques internes certains trouble-faits, certaines dérives. Les auteurs en ont profité pour dépeindre l’ensemble des pharisiens comme une race de vipère, qui ferme la porte du ciel.

Ce concept reste nécessaire jusqu’à aujourd’hui pour éloigner les juifs de la religion de leurs ancêtres. Sans ce dénigrement constant et assidu des savants du talmud, et du contenu talmudique, un juif, à l’étude objective des textes du talmud, s’apercevrait que le raisonnement chrétien ne peut convaincre que des convaincus. Je vous invite, cher lecteur à lire le chapitre « le talmud »

Bien évidemment pour accentuer cette double prise de position vis-à-vis des pharisiens, les évangiles mettrons en valeur « Jaques le sceptique » qui s’est converti et Paul un pharisien (au dire des évangiles) qui lui aussi s’est converti[2].



Prophéties résolues.

En racontant les tribulations de Jésus depuis sa naissance jusqu’à sa mort, les auteurs des évangiles ramènent sans cesse des versets de la bible (ancien testament) à l’appui. Cependant, un bibliste féru sera choqué de voir combien les versets cités sont, soit sorti de son contexte, soit vague, soit modifié, soit tout simplement inexistant. Voici un exemple pour chaque type d’erreurs :

Hors contexte

Matthieu chapitre premier : Or tout cela arriva, afin que fût accompli ce que le Seigneur a dit par le prophète, disant «Voici, la vierge[3] sera enceinte et enfantera un fils, et on appellera son nom Emmanuel» (Ésaïe 7:14).

Il est pourtant clair, qu’il s’agit d’un signe entre Dieu et le roi A’haz que la promesse d’Isaïe (à propos de remporter une  bataille) s’accomplira. Ce signe était qu’il verra un enfant naître de la jeune femme et qu’elle l’appellera Emmanuel ! Cet épisode à lieu au moins six siècles (!!!) Avant la naissance de Jésus. Comment ce « signe » que A’haz n’aurait donc jamais vu pourrait-il  apaiser ses doutes ?

De plus une lecture scrupuleuse du textes en hébreu montre qu’il s’agit d’une femme bien précise, à l’époque du roi Ahaz…

Modification du texte original. 


D’autre fois, les auteurs vont remplacer des mots du texte original par d’autres changeant ainsi le sens du texte. En voici un bel exemple :

Epître aux hébreux 10 (5-7) « C’est pourquoi, en entrant dans le monde, il dit : «Tu n’as pas voulu de sacrifice ni d’offrande, mais tu m’as formé un corps. 6 Tu n’as pas pris plaisir aux holocaustes ni aux sacrifices pour le péché ; 7 alors j’ai dit : Voici, je viens, — il est écrit de moi dans le rouleau du livre pour faire, ô Dieu, ta volonté»

Ces phrases reprennent des versets des psaumes (40:6-8), comme annoté dans les nouveaux testaments commentés. Mais ces versets dans les psaumes ne mentionnent pas l’idée de formation d’un « corps » faisant référence à Jésus, mais une idée bien au contraire antichrétienne. Ces psaumes viennent enseigner que ce n’est pas le sacrifice qui expie les fautes mais la repentance [4] !

Insuffisance de preuves.

Un autre problème quand les évangiles rapportent une prophétie et la considère résolu. Car même s’il s’agit d’une prophétie messianique, elle n’indique en rien que Jésus en soi le réalisateur. En voici un exemple :

Matthieu second Chapitre. (Vers 4-6) « Et ayant assemblé tous les principaux sacrificateurs et scribes du peuple, il s’enquit d’eux où le Christ devait naître. Et ils lui dirent : À Bethlehem de Judée ; car il est ainsi écrit par le prophète : «Et toi, Bethlehem, terre de Juda, tu n’es nullement la plus petite parmi les gouverneurs de Juda, car de toi sortira un conducteur qui paîtra mon peuple Israël» [Michée 5:2]

Ce passage est unanimement de nature prophétique. Il fait référence au roi David, qui vient de Bethlehem  comme mentionné dans Samuel premier chapitre 17. aussi le texte hébreu dit juste le contraire que celui de Matthieu « Et toi, Bethlehem, terre de Juda, tu es petite pour être parmi les gouverneurs de Juda » pourquoi les auteurs des évangiles ont-ils eu besoin de modifier ce texte ? Car selon l’opinion chrétien, il fait référence à Jésus, et donc ne supporte pas la lecture originale. En quoi la taille de Bethlehem devrait être prise en considération pour savoir si elle peut produire un roi pour Juda !?

La loi Orale juive nous enseigne que Michée fait ici référence au problème qui a failli rendre David inapte au royaume : Son ascendance à Ruth la moabite. Le fait qu’il descende d’une moabite lui imputait une certaine faiblesse spirituelle qui le rendait incompétent. « toi, Bethlehem, terre de Juda, tu es petite (tu sembles être trop faible) pour être parmi les gouverneurs de Juda et pourtant…» 

Cette modification du texte en dit long sur les auteurs des évangiles…

Prophétie non-existante.

Nous trouvons dans l’évangile de Matthieu (2 23) la phrase suivante : « et il alla et habita dans une ville appelée Nazareth  en sorte que fût accompli ce qui avait été dit par les prophètes : Il sera appelé Nazaréen ». 

Cette prophétie n’est mentionnée par aucun prophète ! Elle est, toute simplement, sortie du néant. Les apologistes restent interdit devant ce problème. Certaines propositions furent avancées, mais rien d’honorable.

Conclusion.

Cette secte juive, uniquement juive, n’use pas des textes bibliques conformément à sa lettre. Il serait incorrect d’imaginer que les auteurs connaissaient si peu le contexte. Il avait donc un objectif particulier, mais lequel ?

Que penser des auteurs des évangiles ?

L’opinion publique non-chrétienne, ne fait pas de louanges des auteurs du nouveau testament. Inventer une histoire pour salir une religion et mettre en place une fausse, n’est pas une œuvre louable.

Personnellement, et cela n’implique que moi, Il me semble que la démarche n’était pas si dégradante et malhonnête. Il faut cependant pour l’apprécier remettre les choses dans leur contexte historique.

Le judaïsme unique religion monothéiste attire énormément les peuples environnants qui sont pratiquement tous, polythéistes. Mais les conditions nécessaires pour y adhérer exigent une ténacité particulière[5]. Nombreux sont ceux qui ont essayé et n’ont pu persévérer.  Dans ce décor, Jésus (en temps que personnage réel ou mythique) fait une scission dans le peuple en se proclamant être le messie. Une minorité de juif le suivent. Pour des raisons évidentes, la flamme ne prend pas et la secte est en voie de perdition. Paul, voyant qu’il n’y a pas assez de juifs pour faire flamber le feu, ouvre la porte de ce judaïsme aux païens. 

Dès lors, ayant pris conscience qu’il ne s’agissait plus de messianisme mais d’une autre religion, beaucoup de juifs se sont retirés, laissant leur place aux païens ayant épousés la nouvelle religion. Ces païens, transformés et convertis en une religion monothéiste, deviennent les maîtres du jeu, et forme différente communautés jusqu’à créer le système de l’église primitive.

Tenant les reines en mains (avec Paul et quelques juifs à leur tête), ces païens vont « petit à petit » reformater cette nouvelle religion avec une dérive significative vers l’idolâtrie. Ils vont devoir pour cela aller au-delà des textes des évangiles pour attirer de nouveaux adeptes. Ils vont rendre cette secte juive messianique une religion presque païenne[6].

Les religions idolâtres sont abondantes, surtout à cette époque de l’histoire. elles se basent, tous, sur un mythe fondateur. Cette nouvelle religion doit, si elle veut perdurer maintenir les modalités des autres religions. Elle va donc inventer un mythe, ancré sur des réalités historiques, puissant épouser l’ensemble des conditions requises pour former une religion païenne ordinaire.

L’église primitive va devoir greffer ces concepts sur les textes de la  bible. Cependant, elle n’est pas soumise à une critique biblique, puisqu’il s’agit de créer un mythe. Et là, comme dans de nombreuses religions idolâtres, va s’aligner à tous les concepts nécessaires[7]comme nous le verrons dans le prochain chapitre.


[1] C’est un passage extrêmement dérangeant pour l’église primitive qui s’octroie le pouvoir  de légiférer autrement. Ce comportement de l’église n’est autre que le résultat de Paul qui fit transformer la secte de départ (qui était belle et bien une secte exclusivement juive) en une religion universelle. Ce procédé a permis de faire une scission totale entre le judaïsme de l’époque et le christianisme. Certains biblistes ont même avancé l’idée que Paul serait un pharisien déguisé, ayant eu l’objectif  de protéger les juifs faibles de céder à la tentation évangélique. En créant une scission totale, les juifs ne verraient cette secte primitive comme un nouveau type de judaïsme mais  comme une religion indépendante. Naturellement, ils s’en détourneraient.
[2] Le comportement de Paul est extrêmement étrange. Pourquoi était-il un ennemi de Jésus ? Ne savait-il pas qu’il avait fait des miracles ? La réponse est évidente et a été développée dans le chapitre « miracles» : le miracle ne valide pas l’authenticité d’une personne ni de ses paroles. Paul, voyant que Jésus gagne du terrain décide de le poursuivre. Là un nouveau miracle, et Paul devient croyant… vraiment étrange. Bien évidemment rien nous prouve que Paul a réellement été une fois, non-croyant et toutes ses épopées telles que racontées dans les évangiles, ne pourrait être qu’un mythe fondateur.     
[3] J’ignore volontairement le débat autour du mot vierge qui se dit « Bétoula » dans la bible et qui dans ce texte d’Isaïe n’est pas mentionné. C’est un argument assez solide mais qui nécessite un certain développement pour être assimilé correctement. Ce qui n’est pas le but de notre travail.
[4] Beaucoup de juifs voyaient dans les offrandes animales une alternative non-conventionnelle pour expier leurs fautes. Le roi David insiste que même si les offrandes animales produisent dans certaines conditions une proximité avec le divin, cela n’est pas leur rôle. L’expiation s’acquiert à travers une repentance sincère. Le sacrifice expiatoire, dans le judaïsme, n’existe que pour une faute commise involontairement !!!
[5] Ce qui pourrait déjà dérouter la moitié de la population, c’est la circoncision. Aussi d’autres restrictions d’ordre alimentaires ou conjugales existent, je n’en ferait pas l’énumération ici.
[6] A ces dérives, vont s’opposer certains groupes résistant. Par exemple, les groupes anti-trinitaires comme ….
[7] Une autre idée me semble remarquable. Dans les épîtres aux hébreux et à d’autre endroit Paul tente éperdument de rendre Jésus le fils de Dieu. Il rapporte pour cela de nombreux versets où en effet on parle du fils de Dieu. Mais de qui s’agit-il ? Certainement pas de Jésus ni d’un autre être humains. La preuve est très simple : ces versets bibliques existaient avant la naissance de Jésus. Il fallait bien les comprendre s’il existe un fils de Dieu même s’il n’est pas encore né alors ce concept devrait perdurait dans le judaïsme traditionnel aujourd’hui. Hors tout le monde le sait, ce n’est pas le cas. Dieu appelle le peuple juif sont fils aînés, il appelle aussi les justes ses enfants et dès fois même les impies ses enfants. Le fait de comprendre fils en tant que même substance fait lui aussi parti de la mise en place du mythe, sans plus.


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